Je suis dans le rush de fin, j'ai des moments de motivation et des moments très sombres.
J'ai coupé mes cheveux.
J'ai la migraine.
J'ai peur de foirer. De tout foirer.
Je me suis rendue compte hier que même si j'allais à Paris cet été, même si j'allais à Paris cent putain d'années, B resterait B, et ne voudrait jamais plus que me voir ponctuellement, pour une bonne partie de baise, trois câlins, et des éclats de rire.
C'est dur d'accepter ça. Il m'a appelé. Il a insisté quand je l'ai envoyé se faire foutre. Preuve que quelque part, je signifie quelque chose. Je ne sais pas trop quoi, parce que je n'ai pas l'habitude de ce genre de relation. Pour moi, c'est blanc ou noir. Si tu fais preuve d'affection, c'est que tu aimes et que tu veux aimer à 100%. Sinon, tu te montres complètement détaché, et tout se passe dans le vide.
Mais ça ne marche pas comme ça. Moi-même je ne marche pas comme ça.
S'il m'aimait, s'il me le répétait, s'il me demandait de me mettre en couple avec lui, je sais pertinemment que je serais dans le rôle de la salope qui préfère sa queue à son coeur, et je répondrais, un sourire diabolique aux lèvres, que je ne peux pas.
Mais là, il tient le rôle de la salope. Et avec son sourire diabolique, il me tient par le coeur, en m'offrant seulement un peu de sa queue. C'est romantique tout ça, pas vrai ?
J'aime ce rôle. Le rôle de la dominatrice, celle qui tient les cartes sans les lâcher, pendant que la personne en face se tue à lui dire qu'elle l'aime, envers et contre tout, malgré tout, malgré ce mur.
Ce rôle me manque putain. Je sens leurs regards vicieux sur mon corps pourtant habillé, quand je mets du rouge à lèvres je ne peux pas m'empêcher de les humecter pour les faire bander. Et je ne leur donne rien. Rien de plus qu'une envie, un désir qui se traduit par une vulgaire bosse dans un pantalon, des pensées dégueulasses et des yeux braqués sur mes seins ou mes fesses.
Ca me tient en vie.
Et puis il y a ces moments où je perds le contrôle. Où elle m'arrache les ficelles des mains pour laisser tomber un bout de mon haut sur mon soutien-gorge noir, et laisser apparaître mon ventre. Ces moments où je me frotte contre la barre, en haut de la scène, où je fais onduler mon corps brillant de sueur et de mousse, ces moments où elle vient m'embrasser, et me colle la bouche contre celle d'un inconnu que je ne trouve même pas beau. Ces moments où je hoche la tête quand elle rit, ivre, défoncée, déchirée, perdue, malade, même pas heureuse à tous les coups. Je la sens s'éprendre de lui, mais elle fait semblant de se foutre de tout et respire fort par une narine en levant le menton, pour que tous les drogués ici voient bien qu'elle a pris de la C avec sa pote, ou sa petite amie, on ne sait plus trop. Même moi je ne sais plus trop, je suis aussi ivre, défoncée, déchirée, perdue, malade, malheureuse, éprise d'un homme qui ne m'appartiendra jamais, un homme qui me fera croire toute ma vie que je suis en vie.
Ces moments où je ne sais plus qui d'elle ou de lui glisse sa main contre mon entre jambes, fait rouler sa langue dans ma bouche, me prend par le cou, caresse mes cheveux, mon dos, mes fesses, me prend par la main, me tient par la taille, me colle, m'appelle, me hait, m'adore, qui est ce que je rend fou, qui est ce que je veux, entre elle et lui mon corps balance, c'est ça, le véritable threesome auquel on aspire, celui qui vous fait tournoyer de plaisir, sans jamais vous combler puisqu'au moment fatidique où vous croyez succomber, l'autre vous tourne le dos et se penche vers le troisième partenaire. Mais cela importe peu.
Car la musique finit toujours par s'arrêter. On allume une clope, on sent sa tête tourner, on se tient au bar, on roule, on roule et on voit le soleil se lever à travers le pare brise.
On n'a pas fait l'amour. On n'a pas dit l'amour. On a juste perdu le contrôle, on s'est rendu fou, tous ensemble, et cela importe peu.
Moi, j'essaie de dire à B que je l'aime, et j'en suis incapable.
Crache le morceau, C ! Au fond, il le sait. Il ne veut pas l'entendre. Il ne veut pas de mon amour. Cela importe peu.
C'est pour ça que je suis dégoûtée, ce soir. Pour ça que rien n'importe.
A quoi ça rime putain ? Se laisser aller, ou travailler comme une forcenée, tout ça pour quoi ?
On en revient toujours à la reconnaissance des autres, et je la déteste cette saloperie inutile.
Pourquoi l'homme est il né avec ce besoin d'amour ?
Un bébé crève sans attention. N'importe qui crève sans attention.
Mais moi je te dis que ça importe peu. Parce que celui qui a vécu l'amour finira dans un congélateur, ou s'isolera de lui-même sur la banquise. Cela importe peu.
J'ai foiré. Et jeudi, face à eux, j'aurai un moment d'absence, un moment d'extrême présence à la fois, ce moment où je perdrai le contrôle et où je mourrai d'envie de dire "allez tous vous faire foutre"; juste avant de me retenir, de ravaler cette gorgée de vomi, cette gorgée de désespoir, et je reprendrai le fil de mon webdocumentaire sans aucune conviction. Parce qu'au fond, ça n'a aucune importance.
J'ai besoin de partir en couilles avec quelqu'un. J'ai toujours eu besoin de ça. Mais ya personne.
Ya plus personne pour comprendre que quand j'écris "raconte moi ta vie", je veux tout simplement dire "j'ai besoin d'aide." J'ai juste envie que ça importe. J'ai juste envie d'être importante pour quelqu'un.
C'est pas ma vie. C'est pas ma vie. C'est pas ma vie.